Le cloud, ce nouveau Minitel

Le minitel, pour ceux qui ne l'on pas connu c'est un terminal passif (écran + clavier) ressemblant à un ordinateur mais servant uniquement à se connecter à un ordinateur central via une ligne téléphonique. Un minitel sans réseau n'est d'aucune utilité, impossible de faire quoi que ce soit avec. C'est le principe de fonctionnement des mainframes des années 70, ces gros ordinateurs sur lesquels plusieurs utilisateurs se connectaient à l'aide d'un terminal car à l'époque les ordinateurs coûtaient très cher et c'était impensable que tout le monde ait son propre ordinateur comme aujourd'hui.

Officiellement le service minitel s'est arrêté le 30 juin 2012 à minuit mais ces dernières années il fait un retour en force et tu l'utilises peut-être sans le savoir!
Bien sûr il ne s'appelle plus minitel, a changé de nom mais le principe reste similaire, c'est le cloud!

Eh oui, le cloud c'est juste un minitel plus évolué. Au début, le cloud c'est génial! c'est la promesse d'accéder à tous tes fichiers depuis n'importe quel ordinateur ou smartphone relié à internet. Plus de soucis à avoir avec le stockage et la sauvegarde de tes fichiers, le cloud s'occupe de tout. Et maintenant, même les applis sont sur le cloud, plus besoin de se prendre la tête avec les installations et mises à jour.
Avec le cloud t'as accès à tes fichiers partout!
Vu comme ça, le cloud c'est merveilleux ... jusqu'au jour où les nuages se transforment en orage.

En y regardant de plus près, le fonctionnement du cloud est le même que celui du minitel, seul le matériel diffère. Tu utilises ton ordinateur pour accéder via le réseau internet à un serveur où sont stockés tes fichiers et applications. Le problème, il est là. Le serveur ne t'appartiens pas et tu est  tributaire du fournisseur de services cloud. Si le fournisseur de services décide de rendre son offre payante, d'augmenter les tarifs ou fait faillite tu ne pourras que subir sans rien pouvoir faire.
Imagine que tu aie un rapport important à finir pour demain, tu n'as plus que quelques lignes à écrire. Pas de soucis, il est en sécurité sur le cloud. Sauf qu'au moment de te mettre au travail, plus de connexion internet! Impossible d'accéder à ton fichier. Heureusement, tu as ton téléphone que tu mets en partage de connexion. Maintenant, tu peux te connecter au cloud mais impossible de se connecter car le service cloud a un problème (piratage, plantage lors d'une mise à jour, problème matériel, bugs divers ...). Résultat, tu n'auras pas pu finir ton rapport! Même si ce scénario paraît exagéré, il n'est pas improbable non plus.
Au lieu d'utiliser uniquement ton ordinateur, tu utilises internet et des serveurs sur lesquels sont hébergés tes fichiers et applications ce qui ajoute des points de défaillance. On a des SPOF, "single point of failure" ou points de défaillance seuls, cela signifie que la défaillance d'un seul équipement de la chaîne (ton ordinateur, ta connexion internet ou le service cloud) te bloquera. Alors qu'en travaillant sur ton ordinateur, tu minimise ces SPOF et si tu as un autre ordinateur avec une copie de tes fichiers ça te sauve la mise.

L'autre risque c'est d'utiliser des applis dans le cloud car si le service ferme ses portes, même si tu as tes fichiers sauvegardés sur ton disque dur, tu ne pourras plus rien en faire sans accès à l'application.

Ce que tu viens de lire, ce n'est pas de la fiction, c'est déjà arrivé, il y en a qui ont perdu des données ou se sont retrouvés avec des appareils inutilisables parce que le service cloud associé a fermé.

Megaupload

C'était l'un des plus gros site de partage de fichiers, s'il était essentiellement utilisé pour le partage de contenus piratés, ce genre de site n'est pas illégal, c'est le contenu partagé qui l'est. Ce service était également utilisé par des entreprises et particuliers pour y stocker leurs propres fichiers, sans forcément les partager, et utilisaient ainsi le service comme un disque dur. Du côté de Megaupload, on garantissait que les fichiers envoyés sur ses serveurs étaient sauvegardés et les pertes de données peu probables.
Sauf que ce site était dans le collimateur de l'industrie du disque, du cinéma et des autorités de plusieurs pays dont les USA. Le 19 janvier 2012, une vaste opération de police est organisée contre Megaupload. Un raid de la police a lieu dans la villa du fondateur du service, Kim Dotcom en Nouvelle Zélande. En parallèle, les serveurs sont saisis et mis hors ligne empêchant tout accès aux fichiers, même ceux légaux appartenant aux entreprises et particuliers.
Megaupload louait à une entreprise, Carpathia Hosting, des serveurs pour le stockage des fichiers. Pendant un temps il a été évoqué de remettre en ligne les serveurs afin de permettre aux utilisateurs ayant stocké des fichiers de les récupérer mais ça ne sera jamais fait. Les serveurs seront finalement effacés car cela avait un coût pour Carpathia Hosting qui a ainsi pu affecter ces serveurs à d'autres clients.

Les utilisateurs pensaient avoir leurs fichiers en sécurité dans le cloud, si bien que certains n'avait même pas de copie en local, ils auront finalement tout perdu.

Nabaztag

Le Nabaztag, mis sur le marché en juin 2005, était un lointain ancêtre des enceintes connectés. C'était un objet en forme de lapin, connecté en WiFi il pouvait lire des e-mails, donner la météo, les actualités, etc... Pour fonctionner, il avait obligatoirement besoin d'une connexion internet afin de joindre les serveurs du fabriquant. Il ne pouvait pas fonctionner de façon autonome.
L'entreprise le commercialisant, Violet, est placée en liquidation judiciaire et rachetée par Mindscape en octobre 2009. En 2011, Mindscape est mise en procédure de redressement judiciaire annonce arrêter les serveurs dont elle ne peut plus supporter les coûts.
Tous les Nabaztag deviennent alors inutilisables sans le serveur. Cependant, le code source est rendu public par l'entreprise, ce qui permets à des passionnés de continuer à faire fonctionner le Nabaztag.

Il s'en est fallu de peu pour que cet appareil se retrouve "brické" suite à la fermeture des serveurs. Il doit sa survie seulement au fait que l'entreprise ait décidée de rendre public le code source. En achetant ce genre d'appareil qui n'est pas autonome et a besoin de se connecter à un service pour fonctionner, tu risque de te retrouver avec un presse papier le jour où les serveurs sont mis hors ligne. Les enceintes connectés en font partie car le jour où le constructeur décide d'arrêter les serveurs, ton enceinte sera inutilisable; rien ne garanti que dans 10 ans par exemple ce matériel sera encore supporté par le constructeur.

Les abonnements Adobe et Microsoft Office

Adobe est l'entreprise possédant Photoshop, le plus connu des logiciels de retouche d'images. Il est si connu que c'est même entré dans le langage courant de dire "photoshoppé" pour une photo qui a été retouchée.
Depuis le début, Photoshop était vendu en licence perpétuelle, c'est à dire que tu achetais le logiciel et pouvait l'utiliser indéfiniment. Seulement, durant la décennie 2010, Adobe a mis progressivement en place son cloud et a commencé à vendre ses logiciels par abonnement. Photoshop était vendu environ 1000€, il a toujours été très cher, et là on propose une formule d'abonnement à 12€/mois. Ça peut être utile pour quelqu'un qui l'utilise occasionnellement mais après 7 ans ça reviens au même prix que la licence perpétuelle.
Le problème c'est que la licence perpétuelle a été supprimée et il ne reste plus que la version par abonnement. Et c'est aussi la fin du marché de l'occasion où l'on pouvait revendre son logiciel et en faire profiter quelqu'un d'autre à moindre coût. Même si la version était ancienne, c'était suffisant pour certains qui n'avaient pas forcément besoin des toutes dernières nouveautés. La formule par abonnement a d'ailleurs mis en avant cela: bénéficier d'un logiciel toujours à jour avec les dernières fonctionnalités. Seulement, tout le monde n'a pas forcément besoin des dernières fonctionnalités et en plus les mises à jour étant obligatoires, l'éditeur peut faire ce qu'il veut (réorganiser l'interface, supprimer des fonctionnalités, etc...). Tu ne contrôles plus le logiciel contrairement à la licence perpétuelle où tu pouvais rester sur un ancienne version si la nouvelle ne te convenais pas.
Côté tarifs, là aussi l'éditeur est libre de faire ce qu'il veut. Si l'éditeur décide d'augmenter le prix de l'abonnement, tu n'as pas d'autre choix que de subir la hausse, tu est pris au piège de l'abonnement.

Ce modèle semble malheureusement se répandre, même la suite Office de Microsoft est passée à l'abonnement mais heureusement la version licence perpétuelle reste encore disponible, pour combien de temps?

Le risque avec ce modèle c'est qu'est-ce qui se passe le jour où le logiciel disparaît (faillite de l'éditeur, logiciel abandonné, etc…)? Tu te retrouves dépendant de l'éditeur du logiciel, ce n'est pas une situation idéale.